— 1er avril au 26 juin 2021

PLOUC
Sylvain DESCAZOT

Designer

Ploeuc sur Lié

PLOUC

« PLOUC couvrait l’idée d’un territoire, à une époque où l’habitant était vu comme second, rustre et archaïque. Sans me risquer à parler d’un état d’esprit propre aux campagnes bretonnes, le terme Plouc m’apparait cependant de nos jours, comme un qualificatif repère pour une nouvelle génération rurale. Ces cinq lettres au caractère péjoratif mais à la sonorité douce semble, aujourd’hui, devenir une identité valeureuse. Dans ces terres se cachent des artisans, des ateliers et des savoir-faire forts. L’échange de connaissances et les envies communes de travailler avec le territoire et son environnement proche responsabilise une nouvelle dynamique de campagne.
Je vis à dans un petit village, depuis 10 ans, je suis designer et j’essaie de dessiner des objets simples, francs et archaïques.
L’artisanat rural vit toujours et redéfinit tous les jours les matières.
Un métier tel que “designer” semble fort inutile.
Car ce qui nait dans ces ateliers évoque l’ancestral, l’usage et l’unique.
Du travail du bois à celui de la terre en passant par les saisons, les récoltes et leurs obligations, travailler en campagne ancre.
L’exposition PLOUC essaie de rendre honneur à ses mains. »

Pour l’exposition PLOUC, le designer Sylvain DESCAZOT a pensé et dessiné un ensemble de pièces de mobilier et d’objets, pour rendre honneur aux matières et aux savoir-faire, ainsi qu’à la mémoire de ses anciens.
L’artiste Sylvain présente également ses recherches en art graphique en explorant différentes techniques d’impression: sérigraphies, risographies et digigraphies.

a v e c
+ Émilie Pédron, céramiste à Paimpol

+ L’association des Artisans Ébenistes de France groupe Pays de la Loire
+ Quentin Marais, céramiste à Botsorhel

+ Simon Müller, souffleur de verre à Vertou
+ Christian Besréchel, luthier à Ploeuc-sur-Lié

V E R N I S S A G E le 1 er avril de 14H à 18H

T O M B O L A le 19 juin à partir de 15H, lots à gagner:
+ une lampe Pappus
+ un bon d’achat MIRA
+ une risographie
+ un assortiment de sel
+ une caisse de cidre
+ un gros pot de miel …
Les tickets seront mis en vente à MIRA à partir du 1er avril

Sylvain développe aussi son travail au sein du collectif Les Concasseurs, avec l’artiste Mathieu Lautrédoux.
Ils ont créé l’exposition, SEL, au printemps 2018, pour l’espace MIRA, suite à un temps de résidence sur les marais salant de Julien Borgnis Desbordes à Noirmoutier.

Du travail du bois à celui de la terre en passant par les saisons, les récoltes et leurs obligations,
travailler en campagne ancre.
L’exposition PLOUC essaie de rendre honneur à ses mains.

LE GANG DES PLOUCS
Plouc. Dans cette onomatopée tintante, on entend la pluie qui arrive, mais pas seulement. Plouc. Ce joli terme argotique décrit aussi le stéréotype d’un cul-terreux, d’un péquenaud, d’un bouseux. Plouc apparaît à la fin du XIXe siècle, alors que de nombreuses familles paysannes bretonnes, ne parvenant plus à vivre de leur terre, tentent leur chance à Paris. Ce seraient justement les Parisiens qui les auraient surnommés ainsi, en référence aux multiples localités dont le nom commence par « plou » (paroisse, en breton) présentes sur le sol de Bretagne.
En choisissant ce titre, Sylvain Descazot choisit aussi son camp, sa clique, son gang : celui des campagnards et des malappris, des rustiques et des mal-léchés. Enracinée, l’exposition chante la culture cachée des rustres, et met en scène de multiples savoir-faire collaboratifs hérités du monde rural. Elle s’apparente à un hommage qui révèle la double filiation de l’artiste : une approche formelle essentialisante, qui privilégie les formes minimales et les protocoles stricts, enrichie d’une dimension narrative assumée, un foisonnement d’histoires locales et familiales. Plouc. Ce titre parle aussi de ce goût pour le récit et l’anecdote, cette attention aux correspondances et aux coïncidences : accessoirement, depuis quelques années, Sylvain Descazot a décidé de s’installer dans le petit village de Plœuc-sur-Lié, dans les Côtes d’Armor.

CERCLE
Lorsqu’on évoque l’univers familial, on parle volontiers de cercle ou de cellule, comme si cette forme fondamentale était la mieux à même de symboliser la notion de génération, de lien et de filiation. La récidive circulaire structure l’exposition de Sylvain Descazot : alors que les carrés disent la construction et que les triangles synthétisent l’équilibre, le cercle traduit ici les motifs de révolution et de recommencement, la répétition cyclique et la musique des sphères. Chaque composition de l’artiste tente de revenir à la quintessence de l’univers, où les corps féminins dominent, dans leur expression minimale à la fois stable et mouvante. La plupart de ses travaux sur papier sont traversés par cette présence cellulaire : sa grand-mère, avec sa canne de châtaignier, apparaît stylisée sous la forme de deux galets et d’une barre oblique ; le boulet de charbon, énergie noire et sédimentaire, et le halo lunaire, spectre lumineux qui ponctue l’exposition, sont autant de reprises du même motif. Lorsqu’il quitte le papier, Sylvain Descazot n’abandonne pas la douceur du cercle : en attestent les galets doux de ses assises, superposés comme des cairns ancestraux, ou les lampes Pappus aux courbes amplifiées par leur aura de lumière colorée.

COLONIE CHAMPIGNONS
Dans l’exposition, les pièces de bois tournées qui constituent Le Coin à champignons prolongent cette circulation circulaire. Elles renseignent également sur le modus operandi de Sylvain Descazot : ces patères champignons sont réalisées en collaboration avec le luthier Christian Besréchel, qui vit dans le village de l’artiste, à Plœuc-sur-Lié. Au départ, cet artisan n’était pas très enthousiasmé par le projet, jusqu’à ce qu’il se rende compte que les chapeaux des champignons mimaient fortement les pavillons de certains de ses instruments. À partir d’un dessin de base, caractérisé par une silhouette stricte, Christian Besréchel s’est approprié le projet : les œuvres de Sylvain Descazot naissent de cette complémentarité particulière, et chaque personne collaboratrice apparaît en creux dans les objets de l’exposition. Cet artisan a choisi le bois du pommier pour réaliser les bolets : le pommier est rongé, imitant parfaitement le ver qui ronge souvent le chapeau de cette variété de champignon. Dans le même état d’esprit et de son propre chef, Christian Besréchel a sélectionné des essences qui avaient la même teinte que les champignons, au lieu d’en passer par la teinture, et a multiplié les correspondances entre pied et chapeau, par le prolongement d’une veine ou d’une crevasse sinueuse.

TROPISME LOIRE
Un autre invariant caractérise le travail de Sylvain Descazot : la pensée territoriale de l’objet, toujours localisé par sa matière et son histoire. Avec l’association des Artisans Ébénistes de France (AEF), Sylvain Descazot a travaillé sur la notion d’écoconception : l’ensemble des objets mobiliers présenté à l’Espace Mira leur fut inspiré par une barge dotée d’une remarquable charpente, aperçue en bord de Loire, non loin de l’atelier des ébénistes situé aux Ponts-de-Cé. Parmi les essences qui poussent sur les rives, ils ont choisi le frêne pour créer une vaste table sculpturale, objet prototypique qui reprend la forme d’une barge posée sur des tréteaux, avec un plateau évasé modulable aux extrémités.
La forme de la « barre à chat », ou traverse du piètement, reprend la ligne des arches des ponts présents aux Ponts-de-Cé : son ondulation s’inspire plus largement du lit de la Loire et de la souplesse de ses courbes. Visant des procédures d’assemblage réduites au minimum, l’objet ne comporte que quatre vis, et les collages sont réalisés en colle à poisson, sans aucune chimie.
Cette table est complétée par quatre bancs qui reprennent la forme du plateau : ces assises hybrides, entre banc et tabouret, sont très confortables pour une personne, mais elles peuvent en loger deux. Invitations au rapprochement, elles font office de bancs relationnels.
Enfin, un dernier meuble exhibe son corps massif et ses petits pieds frêles dans l’espace d’exposition : il reprend la silhouette des toues cabanées de Loire, ces bateaux plats à proue large et à faible tirant d’eau, pour apponter facilement sur les bords du fleuve, surmontés d’une cabane. Si le meuble comporte un versant épuré, avec des portes en galandage qui le rende traversant, il ne choisit pas pour autant la simplicité qui est de mise dans le design relu à l’aune du modernisme : les artisans ébénistes lui ont greffé des ornements, notamment la sculpture en relief d’une gogane, dite aussi fritillaire pintade, fleur violette que l’on rencontre dans les prairies humides de la région. Cet ornement floral achève d’en faire un meuble chimère, à cheval entre épure contemporaine et sublimation par le décor.

JAPONITÉ MENTALE
À l’instar de nombreux artistes «japonisants» qui vont marquer la modernité à l’aube du XXe siècle, Sylvain Descazot a trouvé dans l’art japonais une confirmation de sa façon personnelle de voir, de sentir, de comprendre et d’interpréter la nature. Cette appétence fantasmatique pour le Japon se perçoit dans l’œuvre de manière récurrente : sculptées en frêne tourné, les Mam Goz revisitent les figures totémiques que les Japonais nomment Kokeshi, petites poupées qui incarnent la force féminine, et ont la réputation de tenir à l’écart les esprits malfaisants et les maladies. L’artiste a également développé plusieurs objets qui relèvent du design de table : pour la cérémonie du thé, il imagine Buée, une théière en porcelaine et frêne, un assemblage calme et opaque qui parle de l’eau et du fait d’infuser, ou de plonger dans un puits. Plusieurs assiettes et bols, réalisés en collaboration avec le céramiste Quentin Marais et Mathieu Lautrédoux, réinvestissent la notion d’objet ritualisé, au grès teinté par l’argile, la rouille d’une épave ou la vase de la baie de Morlaix. Ailleurs, le Japon est convoqué de manière plus conceptuelle : l’artiste relie notamment son amour des lichens, présents depuis 400 millions d’années sur Terre, à la notion du wabi-sabi : le wabi fait référence à la plénitude et à la modestie que l’on peut éprouver face aux phénomènes naturels, et le sabi, la sensation face aux choses dans lesquelles on peut déceler le travail du temps ou des hommes. Symbiotes d’algue et de champignon, les lichens ont une croissance très lente, et peuvent vivre plusieurs siècles. Reviviscents, après dessiccation, ils sont capables de repasser à l’état de vie active dès qu’ils sont réhydratés. Sur plusieurs sérigraphies, Sylvain Descazot saisit la grâce du lichen du pays bigouden et ses flamboiements jaune moutarde, par le biais de trames de vase délicates comme de la dentelle, comme pour capturer cette temporalité patiente.

FEURSAIE
L’exposition développe un attrait pour l’étrange, l’irrationnel et le primitif, qui se cristallise plus précisément autour d’une figure familiale : l’arrière-grand-mère de l’artiste, surnommée la Vieille Feursaie, ce qui signifie la chouette effraie en gallo, une appellation généralement donnée à la sorcière ou au mauvais esprit du village. Cette femme, dont le beau visage orientalisant est surmonté d’une coiffe modeste, un tissu simplement replié sur ses cheveux, apparaît au détour de la sérigraphie Marie Joseph. Cette même personne, entourée de légendes, est également symbolisée sous la forme d’une grande chouette, au plumage tramé comme un labyrinthe. L’oiseau frappe par l’absence d’yeux, ce qui rappelle les amandes allongées des statues de la Grèce primitive ou des figures égyptiennes, mais aussi l’orbite du masque mortuaire, la figure de l’aveugle et du visionnaire, du dormant et de l’omniscient. De surcroît, Sylvain Descazot leste le corps de l’animal d’un langage mythologique : elle devient figure de fertilité, arborant un corps vulvaire comme on en trouve dans la littérature populaire médiévale, soit qu’il parle (vagina loquens) ou qu’il morde (vagina dentata). À la fois inquiétante et protectrice, la Vieille Feursaie resurgit ailleurs dans l’exposition pour s’incarner dans une série de carafes, issues d’une collaboration avec la céramiste Emilie Pedron. Cette dernière, qui fabrique elle-même ses émaux, a cherché l’équivalent d’un plumage de chouette effraie en émail : il habille désormais la carafe Fêrzä, objet rupestre et archaïque que Sylvain Descazot a choisi d’enlacer d’une anse brute et épurée faite de rotin.

LUMIÈRE NATURELLE
Plusieurs lampes brillent dans l’exposition : elles ont toutes en commun d’avoir été réalisées en collaboration avec le maître-verrier Simon Müller, et de traduire une relation étroite avec certains phénomènes naturels.
Deux luminaires se démarquent par les traces laiteuses qui voilent leur surface transparente, comme des cirrus qui étireraient leurs traînes blanches dans le vent. Ces nappes nuageuses sont générées par des encres phosphorescentes soufflées dans le verre, des encres qui se rechargent en énergie avec la lumière ambiante naturelle ou électrique. La première lampe s’intitule Luciole, titre explicite qui renvoie à la bioluminescence des vers luisants. La seconde, de taille monumentale, reprend les codes du pare-battage, de la balise du marin, qui permet de protéger un bateau à quai ou à couple. Suspendue au bout d’un boute de chanvre, cette balise porte dans sa définition même l’idée du ma japonais, cet intervalle entre deux choses, non pas envisagé comme une absence qui sépare, mais comme une relation. Comment interroger l’altérité et la distance à entretenir avec son sujet ? Comment capter la nuit et l’apprivoisement du regard ?
Quatre nouvelles lampes Pappus (en latin, aigrette) apparaissent également, déclinées en couleur : la Pappus rouge rosé, qui renvoie aux lumières du coucher de soleil en septembre, sur l’eau, dans les côtes d’Armor, dialogue avec la Pappus bleue, qui diffracte son dégradé auréolé de nuit. La Pappus hyacinthe et la Pappus verte rejoignent quant à elles leurs constituants d’origine. Rappelons en effet que ces luminaires transparents sont emplis de chardons marie, d’artichauts ou de faux cotonnier : autant de plantes dites invasives, non nobles, qui pourtant, lors de la déhiscence qui libèrent leurs graines dans le vent, incarnent
l’évanescence absolue. Les Pappus capturent la beauté éphémère de cette métamorphose,
et leur lumière douce préserve ce rêve d’envol. Surtout, elles sont emblématiques de la méthode de Sylvain Descazot : glaner et récolter, avec une attention singulière, les savoirs, les récits et les matériaux modestes.

Éva Prouteau

Emilie Pedron, artiste céramiste, installée à Paimpol, a donné vie à une nouvelle édition de la carafe « La pinoche », en porcelaine et émaux texturés.

. Eric JOVIS
. Patrick AVRILLA
. Christophe DIXNEUF
. Jean Joseph DIXNEUF
. Claire BOURGET BRILLET
. Fabrice MIRAULT
. Yann RIO
. M. BOURGET de l’Association des Artisans Ébenistes de France A.E.F., groupe Pays de la Loire, ont conçus des pièces de mobilier en bois de frêne inspiré par la Loire : table, assise, meuble de rangement.

Simon Muller de l’atelier Arcam Glass à Vertou, a soufflé une édition limitée de la lampe Pappus, aux nouvelles formes et couleurs.

Christian Besréchel fabrique et répare des binious, bombardes et veuzes.
Pour l’exposition PLOUC, Christian a réalisé des sculptures en bois de chêne tournée, dans son atelier à Ploeuc.

Sylvain DESCAZOT

Sylvain Descazot est né à Vitré en 1983, il étudie à l’École des Beaux-Arts de Rennes, il se spécialise en Design.
De 2006 à 2012 il est l’assistant du plasticien Veit Stratmann.
Puis Sylvain part pendant deux ans en Nouvelle Zélande travailler dans le studio de l’artiste designer David Trubridge.
Il cofonde avec Mathieu Lautrédoux le collectif Les Concasseurs.
L’espace MIRA les invite sur un temps de résidence à l’île de Noirmoutier sur les marais salants de Julien Borgnis Desbordes.
L’exposition SEL sera présentée à l’espace MIRA au printemps 2019.
Sylvain fonde Le caillou résidence, lieu d’accueil et de création pour les arts graphiques et les arts vivants, à Ploeuc où il vit en Bretagne.